Une histoire, notre histoire …
Cette exposition commune est le fruit d’une rencontre en 2017 au Musée avec Hinatea Colombani. Dès le début, une complicité immense s’est fondée entre nous, comme si nous nous connaissions depuis toujours…Nous partageons enthousiasme et soif d’apprendre, mais aussi la conviction de la nécessité de transmettre. Cela faisait un moment que je souhaitais travailler avec Hinatea pour une exposition commune, et nous avons enfin pu réaliser ce projet. Pendant 3 mois, nous avons créé ensemble à Papara , commençant quand nous le pouvions notre session de travail par un bain dans la rivière de la Vaima à Papearii, puis nous enfermant dans son atelier , à l’abri du monde extérieur, toutes entières vouées à la magie des couleurs.
Car ce fût magique, alchimique, et terriblement drôle. Comme deux enfants, nous avons joyeusement exploré, papoté, et beaucoup rigolé. Entre discussions sérieuses, notamment autour de nos références visuelles ou graphiques, et fou rire nerveux, nous nous sommes apporté à chacune une formidable source d’inspiration.
Le thème HOTU est venu comme une évidence tant la lune est pour moi l’élément qui définit le plus Hinatea. A chaque pleine lune, je pense à elle. Mais le thème de HOTU invoque également la croissance, les plantes, la fertilité, les cycles…Tout un univers de régénérescence qui faisait aussi écho à nos besoins personnels, à nous envies profondes, et à ce moment précis de notre vie.
Lune à l’autre, pour le jeu de mots bien évidemment, mais aussi pour évoquer cet échange, cet enrichissement commun, qui fût constant et très riche entre nous. Cette exposition nous ressemble : joyeuse et un brin naïve, oscillant entre tradition et modernité, entre maitrise et expérimentation, entre sérieux et plaisirs.
C’est personnellement la première exposition où je me suis permise autant d’exploration, passant d’un médium à l’autre, tentant plusieurs techniques, m’inspirant de tout ce qui était lié pour moi à la fois aux cycles et à la Lune, mais aussi au thème de la régénérescence , avec une approche très personnelle. Comme j’ai décidé de ne rien m’interdire, j’ai finalement décidé d’exposer toutes ces sources d’inspiration, quitte à paraitre incohérente. Après tout, ne sommes nous pas tous multiples, complexes, et parfois même contradictoires ?
Ta’u 'Ā'AI - Mon histoire
Pour cette série consacrée à mon interprétation personnelle des motifs et signes polynésiens, j’ai souhaité utiliser principalement la peinture à l’huile, pour la vibrance des couleurs, mais aussi pour les effets de transparence que permet ce médium. La notion de couches cumulées que j’affectionne, notamment au travers du collage de papiers, est pour moi une allégorie de l’être humain, et des différentes strates, parfois complexes et contradictoires, qui nous constituent …
Je me suis inspirée des relevés de pétroglyphes de la vallée de la Papenoo, de Bora-Bora, des représentations des ‘Onu et d’éléments graphiques peu connus et utilisés pour les transposer dans une interprétation revisitée et souvent très personnelle. Les tons roses et mauves sont une nouveauté dans mon univers pictural, ce ne sont pas des couleurs que j’utilise fréquemment. Je ne saurais expliquer pourquoi j’avais envie de rose … peut-être justement pour exprimer un renouveau ? Quoi qu’il en soit, j’avais envie de couleurs vibrantes, gaies, lumineuses pour représenter des signes oubliés, mais qui peuplent toujours mon imaginaire .
Te mau tāraperape no Papenoo (les signes de Papenoo ) est inspirée par les relevés de pétroglyphes de la vallée de la Papenoo. Outre leur intérêt graphique, ces pétroglyphes ont pour moi un sens particulier, intime, mon histoire familiale et personnelle étant étroitement liée à cette vallée.
Fa’aari’ira’a (cérémonie d’accueil ) est inspirée par les relevés de pétroglyphes de Bora-Bora et de la vallée de la Papenoo. Le mélange de ces éléments graphiques, pour certains connus, peu utilisés pour d’autres, est une interprétation très personnelle du sacré et des signes annonciateurs.
Penapena ( protéger avec soins) s’inspire des pétroglyphes de Bora-Bora, et des représentations des honu ( tortues ), animal liée à mon histoire personnelle. Cette oeuvre est une allusion au pouvoir de protection que les polynésiens attribuent à certaines espèces, et notamment les tortues.
Kapala tārona est inspirée par l’univers de création du centre Arioi. Ces Kapala en bambou (d’inspiration hawaiienne ) étaient utilisés pour la décoration des tapa réalisés par l’équipe d’Arioi. Le triangle est un motif très largement utilisé dans les sociétés polynésiennes, et particulièrement à Hawaii.
Pour de multiples raisons, sa symbolique me touche, et cette oeuvre, l’une des premières réalisées pour cette exposition, est pour moi la marque de nouvelles inspirations .
Fa’areureu (être joyeux) est une oeuvre issue d’une série à l’aquarelle dédiée aux ti’i et tiki, transposés dans un univers floral et joyeux: mon jardin imaginaire .
Cette série a débuté lors des travaux du musée, une façon pour moi d’exprimer mon attention pour les collections, mais également ma fascination pour leur esthétisme, tellement moderne et inspirant. Le thème du jardin renvoie à mon enfance et de la passion florale de ma mère et de ma grand-mère, qui s’exprimait dans une exubérance flamboyante.
Ce tiki trône dans un univers fantasmé et mystérieux, celui des rêves colorés d’une petite fille qui rêvait de devenir peintre ...
‘UTU - L’offrande
Pour moi cette série est un cadeau. Ces oeuvres sont le résultat d’une expérimentation menée autour des teintures naturelles, préparées au centre Arioi par Hinatea et Moe Mender, son compagnon. J’ai ainsi pu utiliser du fei, du tia’i’ri, du noni, du aute mais aussi du clitoria. A notre grande surprise, les couleurs se sont révélées différentes selon les supports employés. Dans mon travail pictural, j’aime travailler la surprise, l’inattendu, ‘l’accident’ et ce fût un réel plaisir ( presque enfantin) de découvrir les symphonies offertes par la nature, différentes à chaque fois. Il m’a aussi fallu composer avec la rareté de la matière, et ces ‘contraintes’ m’ont conduit à renouer avec des toiles plus abstraites, propices pour le déploiement des couleurs …
UOA (lumière brillante de la lune) - Cette toile a été réalisée avec des teintures naturelles, fei, clitoria, ti’a’iri et noni ... elle est le fruit de nos réflexions autour de la thématique de la régénérescence, et des cycles de la lune, et l’on y retrouve plusieurs représentations ( souvent très personnelles) des différentes lunes.
Nā-mata-rua (étoiles utilisées pour la navigation) a notamment été réalisée avec des teintures naturelles : ti’a’iri et noni ... elle est le fruit de nos réflexions autour de la thématique de la régénérescence, et des cycles de la lune, et l’on y retrouve plusieurs représentations (très personnelles) d’étoiles mais aussi de végétaux, liés aux notions de croissance et de fertilité.
Tāpare (protéger de la lumière) - Cette oeuvre est la plus abstraite de cette série. J’ai voulu laisser s’exprimer un mystère, une part indéfinissable et énigmatique, entre le pō ( monde des dieux) et la aō ( monde des hommes) . Un espace où chacun peut apporter sa propre histoire et son propre ressenti ...
Rēni tu’utu’u (lignes discontinues) - Ce triptyque a notamment été réalisée avec des teintures naturelles clitoria et noni ... C’est la première oeuvre de cette série avec laquelle j’ai expérimentée ces pigments, découvrant ainsi leurs réactions.
Ce triptyque est une ode à la matière, aux couleurs brutes et vibrantes, qui d’une toile à l’autre, orchestrent une symphonie mystérieuse ... J’ai dû accepter de ne pas maitriser le résultat, et de me laisser porter par la réaction des couleurs entres elles, et avec la toile . Elles m’ont portées, pour me ramener à une forme d’abstraction, mais restent pourtant ancrées dans le thème de la régénérescence ...
Comments